Relations client et service client
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Réservé à l’usage exclusif des conseillers financiers. Non destiné aux investisseurs.
Connaissez-vous bien vos clients et leurs attentes? Voilà la question fondamentale pour votre pratique.
En août 2024, Morningstar a publié un rapport intitulé Understanding What Investors Value in a Financial Advisor (Comprendre ce que les investisseurs attendent d’un conseiller financier). On peut y lire que les investisseurs accordent plus d’importance à l’aide apportée pour atteindre leurs objectifs financiers qu’à tout autre aspect, y compris le soutien fourni en matière de placement et d’optimisation fiscale de leur portefeuille. En fait, parmi les services pour lesquels ils sont prêts à payer un conseiller, c’est l’aide à la réflexion et à la formulation de leurs objectifs qui arrive en tête. En outre, 22 % des investisseurs gardent leur conseiller en raison de la qualité de ses conseils, alors que 12 % seulement le font pour les résultats qu’ils obtiennent.
Le seul moyen de connaître vos clients et leurs attentes consiste à leur poser des questions. Il faut cependant savoir lesquelles. « Voyez chaque conversation avec un client comme un iceberg, c’est-à-dire que le plus important se cache sous la surface », explique Wassan Kasey, consultante en gestion de la pratique des conseillers à Capital Group. « La clé pour fournir de meilleurs conseils financiers consiste à poser des questions plus pointues ».
Comment le fait d’approfondir la discussion peut-il mener à de meilleurs conseils?
Afin d’illustrer l’efficacité du principe de l’iceberg, prenons l’exemple d’un couple montréalais au début de la soixantaine qui fait appel à vos services en vue de leur retraite. Selon l’habituelle méthode, vous commenceriez probablement par poser notamment les questions suivantes : Quand souhaitez-vous cesser de travailler? Quelles sont vos attentes en matière de revenus? Quand voulez-vous commencer à toucher vos prestations du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse?
Vous pourriez également creuser davantage en leur demandant où ils souhaitent vivre. Vous sauriez ainsi que le couple prévoit de vendre sa résidence montréalaise et d’acheter un plus petit logement à Trois-Rivières, où ils passeront leur retraite. Cette information vous permettrait en plus de les guider dans différents domaines, notamment l’immobilier, l’indexation au coût de la vie et les besoins en matière de revenus.
Vous pourriez aller un peu plus loin en leur demandant où vivront tous les autres membres de leur famille. Vous découvririez ainsi que l’un de leurs enfants vit à Toronto avec leurs deux petits-enfants et l’autre, à Vancouver. Cela vous donnerait l’occasion de vérifier s’ils ont l’intention de leur rendre visite ou plutôt de les recevoir à la maison, ce qui voudrait dire qu’ils auraient besoin d’un logement plus spacieux. Aussi, vous pourriez leur demander s’ils s’attendent à ce que leur fils de Toronto prenne soin d’eux lorsqu’ils seront plus vieux et si cela aura une incidence sur votre plan successoral.
Quelle que soit la méthode que vous employez pour accéder aux précieux renseignements complémentaires, vous devez aller au-delà des questions habituelles fondées sur des modèles et principes connus appliqués à beaucoup d’autres clients. En obtenant un maximum de renseignements sur la vie, les désirs et les motivations de votre client, vous serez en mesure de lui fournir des conseils qui répondent mieux à ses besoins.
Quand faut-il poser des questions plus fouillées?
Selon Leslie Geller, conseillère principale en stratégie patrimoniale à Capital Group, ce n’est pas seulement le type de questions que vous formulez qui compte, mais aussi le moment où vous les posez. « La plupart des conseillers recueillent l’essentiel des renseignements au début de la relation avec le client, lors du processus d’intégration. Ils leur demandent alors quels sont leurs espoirs et leurs craintes ainsi que leurs désirs et leurs appréhensions. Cependant, pour de nombreux conseillers et clients, il s’agira de la seule fois où ils auront une conversation aussi approfondie. »
Or, les clients changent au fil du temps, tout comme leurs besoins. En posant des questions plus fouillées, vous pourrez vous tenir au courant de ces besoins. Mme Geller suggère d’utiliser la revue annuelle pour vérifier si les objectifs ont changé et non pas seulement pour rendre compte des progrès réalisés par rapport aux objectifs définis au début de l’engagement.
Cela dit, les conseillers doivent toujours être prêts à poser des questions plus précises, selon Mme Geller. En effet, ils peuvent s’inspirer du principe de l’iceberg pour discuter d’événements de vie, comme un divorce, la vente d’une entreprise, la naissance d’un enfant ou une réorientation de carrière. Ces événements ne se produisent pas toujours de façon linéaire. Ils peuvent survenir de manière inattendue et dans un ordre différent selon chacun. « Un client peut vous appeler à tout moment pour solliciter votre aide face à une nouvelle situation dans leur vie », souligne Mme Geller. « Êtes-vous prêt à poser les bonnes questions? »
En quoi le fait de poser des questions plus pointues peut-il aider votre entreprise?
La façon dont vous formulez vos questions et le moment où vous le faites permettent de vous démarquer de la concurrence. « En quoi se distingue votre approche client? » demande Mme Kasey. N’importe quel autre conseiller peut établir un plan financier, élaborer un portefeuille, proposer du matériel éducatif et donner accès à d’autres professionnels. « Or, c’est en creusant davantage et en ayant une discussion approfondie que vous émergerez du lot. »
« Les meilleurs conseillers s’illustrent par leur capacité à nouer des liens avec leurs clients et à bien les comprendre », ajoute Mme Geller. « Cela est particulièrement vrai pour les conseillers qui travaillent avec des clients fortunés, dont les besoins et les motivations peuvent être relativement complexes. »
Un excellent service à la clientèle mène souvent à des recommandations. Mme Kasey se souvient du cas de trois partenaires commerciaux qui ont vendu leur entreprise en réalisant un important profit. Le conseiller de l’un d’entre eux a constaté, après une longue conversation, que son client avait un penchant pour la philanthropie. Il lui a alors suggéré de créer un fonds orienté par le donateur. Cette idée a séduit le client, qui a ensuite convaincu ses deux partenaires de recourir aux services de ce conseiller.
Comme le montre ce cas, le fait de poser des questions plus fouillées permet parfois de déceler des occasions de placement et d’accroître les actifs gérés, mais pas toujours. Quoi qu’il en soit, vous avez avantage à approfondir vos conversations avec les clients, affirme Mme Geller. « Certaines discussions ne mèneront peut-être pas à une augmentation des actifs gérés, même si vous faites tout ce qu’il faut. Elles permettront néanmoins de renforcer la confiance et de solidifier la relation. Donc, posez des questions plus pointues et pas seulement celles liées directement aux placements. »
Si vous avez l’impression de ne pas être très doué en la matière, ne vous en faites pas, dit Mme Geller. « Beaucoup se méprennent sur les aptitudes à poser de meilleures questions et pensent qu’elles sont innées. Or, elles s’acquièrent. »
Elles n’ont rien à voir avec la planification financière, la gestion des placements et les autres compétences sur lesquelles les conseillers mettent généralement l’accent. Mme Geller souligne que c’est une bonne chose pour les nouveaux conseillers. « Même sans expérience, ils peuvent offrir à leurs clients ce que d’autres n’ont pas. » Elle remarque par ailleurs que les conseillers chevronnés qui s’appuient sur leur longue expérience peuvent parfois tomber dans le piège des questions plus superficielles. « Si l’astuce consiste à se concentrer sur les éléments inconnus plutôt que ceux connus, dit-elle, le fait d’en savoir beaucoup peut effectivement nuire. »
Comment trouve-t-on les bonnes questions à poser?
Mme Geller recommande aux conseillers qui souhaitent développer cette aptitude l’ouvrage de Warren Berger intitulé A More Beautiful Question (Mieux formuler une question). Elle précise toutefois que l’essentiel est d’entamer la discussion avec curiosité, à la découverte d’avenues inexplorées. Selon elle, dès que les conseillers comprennent l’importance de mieux connaître leurs clients, ils cherchent naturellement à en savoir plus
Ainsi, certains conseillers posent simplement la question « Pourquoi? » et se laissent ensuite guider par leur instinct. En revanche, d’autres préfèrent une approche plus systématique. Mme Kasey propose donc les cinq questions suivantes pour en savoir plus sur les désirs exprimés par un client :
1. Passé – De quelles expériences passées découle ce désir?
2. Penchant – Quelles perceptions sont à l’origine de ce désir?
3. Résultat – À quoi le client s’attend-il en prenant cette décision?
4. Angles morts – Quels aspects a-t-il omis de prendre en compte?
5. Portefeuille – Quelle incidence ces éléments auront sur son portefeuille?
Dans le cas du scénario prévoyant une retraite à Trois-Rivières, le conseiller pourrait poser des questions sur les angles morts. Il pourrait également en poser sur le passé, comme « Êtes-vous déjà allés à Trois-Rivières? » ou « Avez-vous déjà habité à Trois-Rivières? » Par ailleurs, les questions axées sur les résultats pourraient ressembler à celles-ci : « Comment envisagez-vous la vie à la retraite? Quelles occupations aurez-vous? » et « Prévoyez-vous passer beaucoup de temps à Trois-Rivières au cours d’une année? Pensez-vous voyager ou vivre ailleurs une partie de l’année? »
Mme Geller suggère également d’utiliser la stratégie des questions indirectes afin d’explorer des aspects moins évidents ou pour lesquels il n’existe pas de questions directes. La tolérance au risque constitue un bon exemple. Le client peut avoir du mal à répondre quand on lui demande : « Quelle est votre tolérance au risque? » Il vaut alors mieux formuler les questions ainsi : « À quelle fréquence vérifiez-vous votre portefeuille? Quand avez-vous commencé à épargner pour la retraite? Avez-vous déjà investi dans des cryptoactifs? »
Le principe de l’iceberg peut transformer vos relations avec les clients. Il peut en effet vous permettre d’en apprendre davantage sur eux, de mieux les comprendre et de déceler des occasions que vous n’auriez pas pu voir autrement. Bref, en posant des questions plus pointues, vous obtiendrez de meilleurs résultats, tant pour vos clients que pour votre pratique.
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